La consommation de cannabis chez les femmes enceintes a connu une augmentation significative ces dernières années. Aux États-Unis, cette tendance a doublé entre 2017 et 2022 et continue de croître après la pandémie de COVID-19. La légalisation et la décriminalisation du cannabis dans plusieurs régions ont contribué à modifier la perception du risque, laissant croire à certains que cette substance ne présente pas de danger particulier pour la grossesse. Pourtant, des études scientifiques de plus en plus nombreuses révèlent des conséquences inquiétantes sur la santé du fœtus et le développement neurocognitif de l’enfant à naître.
Un impact direct sur le développement du fœtus
Le principal problème du cannabis est qu’il traverse le placenta et interagit directement avec le système endocannabinoïde du fœtus, un ensemble de récepteurs jouant un rôle clé dans le développement du cerveau et du système nerveux. Lorsque ce système est perturbé in utero, les effets peuvent être durables et se manifester tout au long de la vie de l’enfant.
Des études épidémiologiques ont mis en évidence des liens entre l’exposition prénatale au cannabis et divers paramètres de santé néonatale. Parmi les effets les plus fréquents, on retrouve :
- Une diminution du poids à la naissance, ce qui peut être un facteur de complications post-natales.
- Un risque accru d’accouchement prématuré, pouvant entraîner des retards de développement.
- Des troubles de croissance intra-utérins, impactant le développement physique global du bébé.
Mais au-delà des aspects physiques, les conséquences du cannabis pendant la grossesse s’observent aussi à travers des altérations du développement cérébral et comportemental de l’enfant.
Des conséquences sur la cognition et le comportement
Plusieurs études ont révélé que les enfants exposés au cannabis pendant la grossesse sont plus susceptibles de présenter des troubles du développement neurocognitif et comportemental à différents stades de leur vie :
- Altérations des fonctions exécutives : difficultés à gérer l’attention, à organiser des tâches et à réguler les émotions.
- Troubles du comportement : augmentation des comportements agressifs, impulsivité et difficultés relationnelles.
- Risque accru de troubles psychiatriques : anxiété, dépression, troubles du déficit de l’attention (TDAH) et même psychoses à l’adolescence ou à l’âge adulte.
Les mécanismes sous-jacents à ces effets sont encore en cours d’étude, mais les chercheurs ont identifié des modifications moléculaires sur des gènes impliqués dans le développement cérébral. Ces modifications, notamment des altérations de la méthylation de l’ADN, pourraient expliquer les conséquences neurologiques observées chez les enfants exposés au cannabis avant la naissance.
Un besoin urgent d’information et de prévention
Malgré les preuves scientifiques qui s’accumulent, de nombreuses femmes enceintes continuent de consommer du cannabis, souvent pour soulager les nausées, le stress ou l’insomnie. Ce manque d’information sur les risques réels pose un problème de santé publique.
Il est essentiel que les professionnels de santé sensibilisent davantage les femmes enceintes et leur proposent des alternatives sûres pour gérer les symptômes liés à la grossesse. Mieux informer, c’est permettre aux futures mères de prendre des décisions éclairées pour la santé de leur enfant.
En résumé
Si la consommation de cannabis peut sembler anodine en raison de sa légalisation croissante, elle n’est pas sans conséquence pour les femmes enceintes et leur bébé. Les recherches actuelles suggèrent un lien clair entre l’exposition prénatale au cannabis et des effets délétères sur le développement neurocognitif et comportemental de l’enfant. Face à ces données alarmantes, la prévention et l’éducation sur les risques du cannabis pendant la grossesse doivent devenir une priorité de santé publique.
Sources :
Singh S, Filion K, Abenhaim H, et al. (2020). Prevalence and outcomes of prenatal recreational cannabis use in high‐income countries: a scoping review. BJOG: An International Journal of Obstetrics & Gynaecology, 127(1), 8-16.
→ Cette revue examine la prévalence et les effets du cannabis sur la grossesse dans les pays développés.
Volkow ND, Han B, Compton WM, et al. (2019). Self-reported Medical and Nonmedical Cannabis Use Among Pregnant Women in the United States. JAMA, 322(2), 167-169.
→ Une étude qui met en lumière l’augmentation de la consommation de cannabis chez les femmes enceintes aux États-Unis.
Ikeda AS, Knopik VS, Bidwell LC, et al. (2022). A Review of Associations between Externalizing Behaviors and Prenatal Cannabis Exposure: Limitations & Future Directions. Toxics, 10(3).
→ Un article qui explore les liens entre l’exposition prénatale au cannabis et les troubles du comportement chez l’enfant.
Nashed MG, Hardy DB, Laviolette SR. (2020). Prenatal Cannabinoid Exposure: Emerging Evidence of Physiological and Neuropsychiatric Abnormalities. Front Psychiatry, 11, 624275.
→ Cette étude examine les anomalies neuropsychiatriques associées à l’exposition prénatale au cannabis.
Wu CS, Jew CP, Lu HC. (2011). Lasting impacts of prenatal cannabis exposure and the role of endogenous cannabinoids in the developing brain. Future Neurology, 6(4), 459-480.
→ Un article qui détaille l’impact du cannabis sur le développement du cerveau du fœtus.
Noble AJ, Adams AT, Satsangi J, et al. (2024). Prenatal cannabis exposure is associated with alterations in offspring DNA methylation at genes involved in neurodevelopment, across the life course. Molecular Psychiatry.
→ Une recherche récente qui met en évidence les modifications épigénétiques liées à l’exposition au cannabis pendant la grossesse.